Depuis l’apparition du Coronavirus au tournant de l’année 2020, le quotidien des français a été bouleversé comme partout ailleurs sur la planète. Confinés chez eux, invités à agir de manière responsable, de nombreux citoyens ont choisi de jouer la carte solidarité en guise de réponse aux problématiques engendrées par cette crise sanitaire.
Né le 1er décembre 2019 au sein du foyer chinois, pour ainsi dire à l’autre bout de la planète, les français ont d’abord écho du benjamin de la famille « Coronavirus », baptisé Covid-19, à travers les médias. La menace qu’il représente parait lointaine. Pourtant, cet inconnu à l’apparence familière de par ses ressemblances à la grippe s’invite à nos portes sans avoir reçu de carton d’invitation au préalable dès le 24 janvier, lorsque tombe l’annonce des trois premiers cas de patients atteints du virus, des français ayant séjourné en Chine. S’ouvre alors le bal des mesures préventives avec la mise en quatorzaine des français de retour de Chine dans des centres de vacances. Le 15 février, un touriste chinois âgé de 80 ans hospitalisé en France succombe du coronavirus. Il s’agit du tout premier décès en Europe. Un mois plus tard, le gouvernement déclare l’état d’urgence sanitaire et promulgue le confinement pour l’ensemble de sa population, autorisée à sortir une heure par jour. Le contrôle aux frontières est rétabli.

Une « guerre sanitaire«
Cette crise remet en question la nature de nos besoins essentiels. Seuls les secteurs considérés comme étant « primordiaux » maintiennent leur activité, à l’instar des établissements d’approvisionnement alimentaire et des structures sanitaires, mais aussi certains services publics. Culture et loisir sont relayés au second plan. Une grande partie de la population active est mise au chômage technique ou partiel, contrainte à rester chez elle et à ne sortir que pour effectuer des achats ou répondre à des besoins « de premières nécessités », munie d’une attestation et d’un document identitaire faisant foi. Des contrôles policiers et l’application d’amendes en cas de non-respect des consignes rentrent en vigueur.
Placardé, hashtagué, relayé via les réseaux sociaux, « Restez chez vous » devient le nouveau mot d’ordre à suivre afin d’empêcher la propagation du virus. A chacune de ses allocutions télévisées, le président Emmanuel Macron déploie l’arsenal linguistique belliciste, qualifiant la situation actuelle de « guerre sanitaire » lancée contre « un ennemi invisible » qu’il nous faut « combattre » par le respect des mesures imposées au nom du bien commun. Et qui dit guerre sanitaire dit guerre des chiffres, des opinions et des rumeurs. Face aux déclarations contradictoires des autorités politiques et scientifiques dont les médias se font la part belle, confusion et incompréhension se diffusent. Face à une atmosphère oppressante et à des mesures contraignantes, peur et panique se propagent au sein des foyers et s’immiscent dans les esprits, plus particulièrement dans les villes où la promiscuité est de mise. Ceux et celles qui le peuvent partent se réfugier à la campagne, les confinés urbains devant se contenter pour leur part de quelques rayons de soleil depuis leur balcon.
Le pouvoir de la société civile
Dans cet océan tourmenté, des bouées de sauvetage émergent par vagues. Révélatrice de maux et d’inégalités mis trop longtemps de côté, cette épreuve collective touchant l’ensemble de la population planétaire soulève un fait remarquable : notre fulgurante capacité d’adaptation face à une situation inédite et imprévisible. La société civile n’aura pas attendu l’aval de ses décideurs pour répondre d’elle-même à l’effort de « guerre », avec les moyens du bord : savoir-faire, force créatrice et élan de solidarité. Les actions dans ce sens sont nombreuses. En guise de réponse à la pénurie de matériel médical due à une gestion désastreuse de la part du gouvernement au fil des années, des femmes et des hommes parmi lesquels des coutumières et des costumières professionnelles, se mettent à confectionner des masques et des blouses à domicile, destinés en priorité aux hôpitaux. Des jeunes proposent leurs services bénévolement à leurs aînés. Des plateformes numériques de solidarité voient le jour. Des associations s’organisent pour venir en aide aux sans-abris et aux migrants dont la situation s’est aggravée. Des milliers de citoyens demandent à aller travailler dans les champs afin de remplacer la main d’oeuvre étrangère habituelle.
La solidarité à l’oeuvre ne s’opère cependant pas les yeux fermés. Mises à l’arrêt, les mobilisations et revendications citoyennes continuent à se faire entendre. Sur les balcons et les fenêtres, des banderoles réclament à l’état un plan financier structurel d’envergure pour sauver l’hôpital public tandis que chaque soir à 20 heures pétantes, des acclamations retentissent dans les rues pour remercier le personnel médical au front quotidien. Des voix se sont élevées de la part d’activistes et de lanceurs d’alerte sur les réseaux sociaux pour dénoncer certaines des décisions prises par le gouvernement en faveur de l’économie de marché aux dépens de nos droits sociaux et de nos libertés individuelles. Leur alerte est un appel à la vigilance contre une répétition probable du passé pouvant donner lieu à des mesures d’austérité qui impacteraient avant tout fermiers, travailleurs indépendants, cadres de petites entreprises mais aussi les personnes vivant en banlieue et toute la classe moyenne réunie. Avec l’aide d’experts en la matière, ils proposent à la place un plan d’action mêlant justice sociale et transition écologique.
En France, l’état d’urgence sanitaire est prolongé jusqu’au 23 juillet inclus, le déconfinement a pris forme à partir du 11 mai, entrainant la levée de certaines obligations contre la mise en place de nouvelles règles du jeu. De son côté, la société civile doit continuer à faire avec, et s’organise déjà en vue des prochaines semaines. Le bouleversement systémique dont nos sociétés ont besoin pour une transformation vers le mieux semble bel et bien en route.
📝 © Claire Lengrand